Le 21 mai 1605, Jeanne arrive au château de Sales, pour rencontrer une nouvelle fois l'évêque de Genève. Elle y demeure dix jours, durant lesquels François lui fait part à mots couverts de ses projets. Jeanne lui répond par cette question : " Ô mon Dieu, mon Père, hé, ne m'arracherez-vous point au monde et à moi-même ? ". L'idée d'entrer en religion se précise donc, et c'est avec une nouvelle ferveur spirituelle que Jeanne retourne à Monthelon. Ferveur spirituelle qui ne doit en rien faire oublier qu'elle est toujours torturée par ses tentations. " Tant que je pouvais, je me tenais serrée à l'arbre de la Croix, crainte que tant de voix charmeresses ne fissent endormir mon cœur en quelques complaisances mondaines ", écrit-elle. Dans l'élan, elle joint le geste à la parole, gravant avec un fer rougi au feu le saint nom de Jésus sur son cœur. Toute sa vie, la sainte gardera cette cicatrice !
Jeanne se donne plus encore aux pauvres, et, durant les vendanges de l'année
1606, elle est atteinte de dysenterie à force de secourir les malades lors de
l'épidémie. Elle fait un vœu à la Sainte Vierge, et, la foi venant au secours
de la maladie, se trouve le lendemain parfaitement guérie et prête à reprendre
du service !
A la Pentecôte 1607, Jeanne retrouve François de Sales à Paris. A l'occasion de
ce séjour, l'évêque lui dévoile ses projets, lui exposant le plan de la
Visitation. Mais les difficultés sont nombreuses. Jeanne ne peut notamment pas
se séparer si facilement de ses quatre jeunes enfants. Le mariage entre
Bernard, baron de Thorens et frère de François de Sales, et Marie-Aimée, aînée
des filles de Jeanne, facilitera les choses.
Aussi, le 29 mars 1610, Mme de Chantal fait à Dijon ses adieux à son père et à
son fils aîné Celse-Bénigne, qui va jusqu'à se coucher sur le seuil de la porte
en espérant la faire changer d'avis. Mais le dessein de Dieu est établi, et son
père lui dit ces paroles en la bénissant : " Il ne m'appartient pas, ô mon
Dieu, de trouver à redire à ce que votre Providence a conclu en son décret
éternel ". Le même jour, Mme de Chantal quitte Dijon.
Elle arrive le 4 avril 1610, jour des Rameaux, à Annecy, où elle est accueillie
par le saint évêque. Dès le surlendemain, elle passe un acte devant notaire, se
dépouillant de tout ce qu'elle possédait en faveur de ses enfants.
Après avoir logé un premier temps chez le président Favre, dont la fille
Jacqueline sera parmi les premières visitandines, Jeanne, qui dès le lendemain
deviendra la mère de Chantal, inaugure le 6 juin la " maison de la Galerie
", qui pour l'instant ne dispose ni de mobilier ni de provisions… Elle y
entre dans la soirée avec Marie-Jacqueline Favre et Jeanne-Charlotte de
Bréchard, après que le saint évêque lui ait remis un abrégé des Constitutions,
écrit de sa main. La Visitation est née. " Voici le lieu de nos délices et
de notre repos ", dit Jeanne à ses premières filles. En savoir plus.